Le livre ouvert : Remembrances ACCUEIL


Christian Talbot Publications
Le copain Jean.

Jean Rosier : combien de fois mon père m’en a-t-il parlé pour me dire leurs frasques ! Et puis, un jour, j’ai proposé de l’emmener faire un tour à Bonnat. Je me souviens que le projet devait se concrétiser un 15 juillet, surlendemain de l’anniversaire de Glenn-Maël, mon jeune fils, que nous avons pris l’habitude de souhaiter à Souesmes du fait des vacances.
Sautant sur l’occasion, mon père me dit : « On pourrait en profiter pour déjeuner avec mon copain Jean ? Ils habitent à Guéret : 21 km, il peut sûrement les faire ! » Sitôt dit, sitôt fait : je m’empare du carnet d’adresses et commence à chercher à la lettre “R”. Mais là, aucun Rosier dans le répertoire. Je m’en inquiète, pensant à un oubli, ce qui eût été surprenant de la part de ma mère qui tenait à jour le dit carnet et veillait scrupuleusement à y inscrire les relations de son mari, plus encore que de sa propre famille.
« Non, non, me dit mon père, il faut chercher à Labesse, Jean Labesse ! » J’ai su par la suite que Jean n’avait aucun lien de parenté avec Sylvain, l’époux de la tante Maria.
« Mais, protestai-je, tu l’as toujours désigné sous le nom de “Rosier”, non ?
— C’est exact, m’expliqua-t-il. Au village, tout le monde les appelait “les Rosier”, du fait que sa mère avait été désignée “rosière” quand elle était jeune … »
Pas de tremblements, mais quelque stupeur, je l’avoue.
  Popaul Milet.

Mon père raconte : « Lorsqu’on était gamin, on n’avait aucune distraction. Pas de télé, bien sûr, et pas d’autres jouets que ceux qu’on se faisait nous-mêmes, pas d’autres jeux que ceux qu’on s’inventait. Maintenant, je me dis que c’était pas très malin : braconner des truites dans les ruisseaux, tuer des piafs au lance-pierre ou dégommer les cabochons isolants des lignes électriques, dénicher des œufs …
Je me souviens d’une fois, il y avait un nid qu’on voulait aller dénicher, Popaul et moi. Et ce nid était sur un pommier qui était lui-même dans une haie entourée d’épineux. Pour arriver au pied, ça pouvait aller parce que les racines des arbres ne laissent pas d’autres racines envahir leur espace : on se glissait donc par en dessous. Après, il fallait attaquer le tronc, chose qui était encore possible. Mais le nid, il était sur une branche horizontale … et tout au bout.
Je ne sais pas pourquoi il avait voulu faire ça ; le plus souvent, il laissait faire aux autres.
Alors, il rampe, il grimpe et le v’la parti à califourchon sur cette branche pour arriver au bout. Et tout d’un coup, elle a cassé. Alors il est tombé, avec la branche.
Oui mais, à l’endroit où il était tombé, il n’y avait plus le tronc de l’arbre, c’était en plein dans les épines et il ne pouvait plus s’arracher de là-dedans. Et pour s’en extirper, il a pourtant bien fallu qu’il passe au travers. Il gueulait comme un goret.
Quand il est sorti, il était en guenilles, en lambeaux. Ses habits étant vieux ne tenaient déjà que par l’opération du Saint Esprit. Moi, je l’ai raccommodé comme j’ai pu avec des épines. Je relevais les morceaux qui pendaient, j’attrapais une de ces grandes pointes d’aubépine et je la piquais à travers le tissu.
Ça n’empêche … quand il est rentré chez lui dans cet état, qu’est-ce qu’il s’est ramassé !»
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