À l'instant même, le léger nuage qui, masquant le soleil, avait fait chuter la température de l'air de plusieurs degrés s'écarte comme on ôte son chapeau, pour saluer. La plage est inondée de lumière et de chaleur. La demoiselle ferme les yeux et remonte ses deux mains au dessus de sa tête. Si mon ouïe était assez fine, je l'entendrais soupirer d'aise en dépit du vent et du ressac.
À peine son geste est-il achevé qu'un liseré de peau blanche parait au raz du tissu noir.
Comme nombre d'Espagnoles “de bonne famille”, elle ne s'est probablement jamais autorisé le topless qui doit avoir quelque chose de vulgaire ou d'anti-catholique.
Cependant, et ceci semble hors de sa volonté, à chaque inspiration (et la douceur du moment incite à les rendre profondes), le noir et le hâlé s'écartent un peu plus.
Soudain, comme Phébus à l'horizon d'une aube, un sombre arc de cercle se fait jour. Une aréole large et grumeleuse, aussi brune que le reste de son corps émerge du soutien-gorge et croît. Sans nous être concertés, Paul et moi sommes attentifs, guettant au coin de nos verres teintés, l'éclosion fatale : encore trois ou quatre respirations et le téton va jaillir…
Pourtant, à la cinquième, il se cache encore lorsque, d'un geste imprévu et frustrant, la main saisit la bretelle, la tire vers le haut et recouvre élégamment “ce sein que nous ne sûmes voir”.
San José, 17 août 2007. |
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Rencontre du troisième sexe.
La plage de mon village d’élection (dont je préfère taire le nom : trop de gens l’envahissent déjà), est tellement changeante qu’on pourrait la dire “vivante”. Quiconque s’amuserait à la photographier sous le même angle, disons une fois par semaine, pendant un an, obtiendrait deux secondes d’un film étonnant.
Outre les banals vents de terre et de mer aux variations biquotidiennes, deux vents influent fortement sur son aspect :
- Le vent d’ouest (ou “poniente”) abaisse la température de l’eau et, avec l’appoint des courants marins, apporte du sable à la côte.
- Le vent d’est (ou “levante”) produit une houle qui peut s’avérer tempétueuse au point de lessiver le littoral. Privée de son rembourrage naturel de sable, la plage s’affaisse et le niveau de l’eau semble monter, l’amenuisant comme peau de chagrin. Et les rochers semblent sortir de nulle part.
Je l’ai connue si riche qu’on pouvait aller du port à la guardia “à pied sec” et sans fouler la moindre roche.
À l’inverse, cette année, nous avons subit, trois jours durant, une tempête si violente qu’il ne resta plus que deux plages aux deux extrémités de la baie, séparées par cinq cents mètres de roche quasiment nue. Les petites criques tranquilles avaient disparu et, de la “nôtre” (1) ne subsistait qu’une bande de quatre ou cinq mètres de sable noir (2).
Sur cette plage, donc, on bronze, on fait des châteaux de sable, on joue “aux raquettes”, on lit le journal, on papote certes, mais surtout, on marche, même si, tôt le matin quand il n'y a encore quasiment personne, certain "acros" font leur jogging.
Le solitaire lance : « Voy a caminar ! »(3)
Papi propose à Mamie : « Vamos acer un paseo ? »(4)
(1) Que d’aucuns nomment “plage des Français” du fait que deux des maisons qui la bordent appartiennent à des Bretons. (2) Rassurez-vous, pour moi aussi, c’est un mystère. Mais je pense qu'il est question de densité : ces grains noirs, d'origine volcanique, sont plus légers, flottent mieux que le silicium, et se déposent en surface. (3) « Je vais marcher ! » (4) « Nous allons faire une promenade ? » |