Le livre ouvert : Petits moments ACCUEIL


Christian Talbot Publications
Fantaisies architecturales.

Je me suis fait cette réflexion alors que le Talgo entrait dans Madrid par la banlieue sud : De curieuses excroissances fleurissent à l’extérieur des immeubles.
Dans mon enfance (les années 50), avant que le réfrigérateur qu’on appelait déjà Frigidaire mais pas encore “frigo” ne se démocratise (1), de nombreux appartements parisiens exhibaient, à l’une de leurs fenêtres, une verrue parallélépipédique, parfois couverte d’un petit toit de zinc : le garde-manger. Oh, on n’y gardait pas grand chose ! Si l’on n’avait pas pris la précaution de le faire bouillir, le lait était “tourné” dès le lendemain de son achat. Une mouche avait tôt fait de s’y laisser enfermer et la tranche de jambon se retrouvait souillée de pontes. Mais s’il y en avait tant, cela devait avoir son utilité.
Puis, tout cela disparut.
On s’ingénia, me semble-t-il, à faire disparaître toute aspérité. Les antennes de télévision, à simple puis double râteau, qui hérissaient les toits de Paris dans ma jeunesse, furent remplacés par des dispositifs collectifs. Le chauffage centralisé des immeubles rendit les cheminées individuelles caduques. Les nouveaux ensembles en furent dépourvus.
Les façades aussi devinrent lisses et les immeubles cubiques. Les balcons se firent moins ostentatoires et leur fleurissement plus discret.
Il y eut bien, à la fin des années 60, une tentative pour mettre les tripes des bâtiments à l’extérieur (tel le “Centre Pompidou”) mais quarante ans plus tard le succès de ce type d'architecture tarde encore.
Et là, défilant à la vitesse réduite du train approchant de Chamartin, les blocs multipliaient climatiseurs et antennes paraboliques – une horreur.

Madrid, le 10 septembre 2007.

(1) Le premier que nous avons eu nous avait été offert par la sœur de ma mère pour nous remercier d’avoir gardé son jeune fils chez nous pendant trois ans, tandis qu’elle gagnait beaucoup d’argent à travailler en Côte d’Ivoire. Il coûtait, à l’époque, trois mois du salaire de mon prof de père.
  Avril ordinaire.

Ce séjour aura été très enrichissant.

Il y a des jours où je n'aurai pas arrêté de "bouiner" : ménage, course, cuisine, écriture...
D'autres jours, je n'aurai rien fait : manger, boire, dormir, la plage... Et c'est tout.

Mais, dans l'ensemble, j'aurai vécu des moments extraordinaires :
— des petites côtelettes d'agneau sur le gril, presque cramées,
— un rumsteck saignant, presque cru,
— une dorade au four, des crustacés comme on n'en trouve pas en Bretagne,
— des soirées entre copains à ne dire que les bêtises, à boire comme des trous,
— les chansons de Goldman dans le casque, sur la plage, les yeux clos,
— de jolies filles qui passent, qui rient, qui crient en entrant dans l'eau froide,
— les paysages que j'aime, plus verts et plus fleuris que jamais,
— le vent, le soir, qui fait pleurer mes yeux,
— la moto qu'il il vibre entre mes jambes...

Toute une multitude de petites sensations agréables, émouvantes, délicieuses.

J'ai discuté l'autre jour, sur la plage, avec une Anglaise d'à peine 50 ans, en bonne santé à ce qui m'a semblé. Elle m'a parlé d'une chose étonnante : elle a déjà programmé son enterrement. Choix de musique (l'Ave Maria de Schubert, entre autres), du type de cérémonie, etc. Le modèle de cercueil est déterminé, la concession au cimetière est réservée et, financièrement, tout est réglé.
Et moi, je n'ai toujours pas rédigé mon testament !
13 14