chacun pouvait faire sa vidange respectueuse de l'environnement, ses réglages, voire rôder ses soupapes ou changer son vilebrequin. Des outils, des bouquins techniques et les conseils des "permanents" étaient à disposition. 2 CV et 4 L formaient le gros de la clientèle. Jean-Michel était président de "l'assoce", et permanent parmi les permanents.
Je ne sais plus du tout comment je l'ai rencontré mais nous avons rapidement sympathisé. Tant et si bien que j'ai cohabité chez lui pendant six mois avant de trouver un studio correspondant à mes moyen financiers.
Son truc à lui, c'était le trial, une discipline motocycliste très technique et particulièrement confidentielle, à l’époque.
Et la Harley, dans tout cela, me direz-vous ? Patience … J’y reviens.
Quelques tests montrèrent que la batterie était hors service, le carburateur bouché et la chambre de combustion encrassée (3) à mort. Tout le reste était en bon état.
Cinq billets de cent francs versés à l'association me rendirent propriétaire de l'engin ainsi que d'un casque étonnant de forme (imitation du vieux Cromwell) comme de couleur : caca d'oie (ou kaki, c'est comme on veut). Deux week-ends de bricolage suffirent à rendre l'engin opérationnel.
Ayant vérifié qu’avec mon permis "B", j'avais le droit de la conduire (piloter m'aurait plu davantage, mais je ne faisait que conduire), il m'apparut cependant que le plus ardu était à venir. Car, en dehors d'un "Solex" poussif, je n'avais eu entre les jambes que des vélos. Là, c'était autre chose : poignée de gaz et frein avant à droite, embrayage à l'autre bout du guidon, changement de vitesse sous la pointe de la botte gauche, frein arrière commandé par le pied droit … un vrai casse tête ! Pourtant, il était hors de question de traverser Paris en poussant la belle ! Fort heureusement, l'atelier ouvrait sur une impasse, et c'est là qu'en quelques allers et retours Jean-Michel m'initia à ce délicat maniement. Et, ma foi, je ne m'en sortis pas trop mal.
(3) Il semble qu'il faille dire : en calaminé (dépôt charbonneux résultant de la combustion de l'huile et du carburant). |
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Me trouvant ridicule avec le Crom' sur le crâne, je m'en fus aux "puces" de Saint Ouen où j'acquis, d'occasion, un casque Ago (4) jaune et intégral, très classe. Un blouson ad hoc et une paire de gants complétèrent l'indispensable équipement, tant pour la sécurité que contre le froid. Dans la foulée, je fis l'achat d'une petite cantine en métal que je fixai par quatre boulons sur le porte-bagages.
Depuis belle lurette, je pestais sur la lenteur du métro et, en voiture, fulminais dans les embouteillages : entre les cours de danse que je prenais boulevard de Clichy, ceux que je donnais dans des banlieues, mon emploi de "pion" dans un collège, les répétitions de spectacles et j'en passe, j'étais en retard partout. Ainsi équipé, avec ma moto, j'allais maîtriser le temps… et peut-être l'espace.
Un regret, cependant : dans le métro, je trouvais le temps de lire. Beaucoup.
Je la changerai deux ou trois ans plus tard, contre une 125 SXT de la même marque. Un autre Jean-Michel, petit copain de la meilleure amie de ma copine, ne demandera de la lui donner, avec l'ambition de la remettre à neuf. Je crains, malheureusement, qu'elle soit encore en train de rouiller au fond d'une cave du XVIIIème arrondissement.
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San José, août 2003 - Saint Germain, novembre 2008.
(4) Giacomo Agostini (né le 16 juin 1942, à Brescia, Italie) fut 15 fois champion du monde de vitesse à moto. |