Ecrire "Bouka"
J'ai écrit "Bouka" pour ne pas l'oublier comme le furent toutes les autres histoires inventées "à la sauvette", les soirs où, refusant la lecture passive de bouquins écornés, ma Floriane me disait : "Raconte-moi une histoire que tu as dans ta tête."
Dans le plus pur style de la tradition orale, ce fut d'abord un récit assez banal, fruit, à l'école, d'une semaine sur le thème de l'Afrique et, à la maison, d'un incident au cours duquel sa parole d'enfant avait été mise en doute. Puis, à cause de ses origines ou pour quelque autre raison (allez savoir …), et contrairement aux habituelles histoires "Kleenex", celui-ci fut plébiscité(1) . J'ai dû le narrer une bonne douzaine de fois et chacune de ces reprise fut l'occasion de modifications, infimes sur l'instant mais "peaufinantes" à la longue : il se structura, son vocabulaire s'affina, des descriptions naquirent … Dans sa dernière version, il fallait trois séances d'endormissement pour aller à son terme.
Après ma tentative avortée d’écrire une pièce de théâtre (à l’époque où je pratiquai ce hobby), ce fut le premier texte que j’eus envie de coucher sur papier. Je songeais alors en faire cadeau à l’institutrice de maternelle, mais elle partit en congé de maternité au troisième trimestre et ne revint pas à la rentrée suivante.
Par la suite, trouvant que le vocabulaire était devenu un peu ardu, j'ai cherché à retrouver sa version originale pour l'offrir aux plus jeunes. Mais ça aurait probablement été une erreur : si l’enfant ne questionne pas à propos d’un mot qu’il ne connaît pas, c’est que la présence de ce mot ne nuit pas à la compréhension générale du texte. Soit que le contexte lui en a suggéré le sens (un sens ?), soit que sa présence contribue à la magie de l’histoire.
(1) Ma fille étant la seule votante, il récolta 100 % des voix ! |
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« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
— Je ne vois que l’herbe qui verdoie et la route qui poudroie … »
Ou bien : « Tire la bobinette et la chevillette cherra ! » L’important, c’est que la porte s’ouvre, non ?
Quoi qu’il en soit, enrichir le vocabulaire d’un enfant m’a toujours semblé salutaire et rarement prématuré.
Dix ans plus tard, le petit Glenn-Maël bénéficiera, son tour venu, de cette rédaction.
San José, 17 avril 2005. |