Bouka et le crocodile
Il était une fois, dans un village d'Afrique toujours baigné par le soleil, un petit garçon qui s'appelait Bouka.
Il était noir, comme tous les gens de son pays, et turbulent comme tous les garçons de son âge. Enfin, peut-être un peu plus. En tous cas, c'est ce que disait sa mère, Mandâ, une femme grande, forte et fière comme la plupart des femmes du village, quand il rentrait de l'école plein de terre et de poussière d'avoir joué et couru dans les champs sur le chemin du retour.
Il faut dire que dans son pays, au Nord de N'Gaoundéré, au pied des montagnes de l'Adamaoua, il ne pleut que quelques jours par an. Ces jours là, les champs, les chemins, les rues du village et même la cour de l'école se transforment en bourbiers ; et Bouka rentre à la case familiale encore plus sale que les autres jours. Mais tout le monde est tellement heureux de voir tomber la pluie, si utile aux cultures et qui remplit les puits, que paradoxalement, ces jours là, Mandâ ne le gronde pas.
Mais le jour dont nous parlons était un jour de sécheresse.
Cela faisait plus d'une semaine que Kéba, le père de Bouka, était parti à N'Gaoundéré tenter de vendre sur les marchés locaux, les surplus de leur récolte de sorgho et de manioc, ce qui constituait pratiquement la seule source de revenus de la famille, en dehors du lait des trois chèvres.
Et Mandâ était inquiète car ce retard n'était pas bon signe ; cela la rendait nerveuse et irritable, d'autant que le frère et les deux sœurs de Bouka, tous plus jeunes que lui, profitaient de l'absence du père pour accumuler bêtises et caprices.
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Donc, ce jour dont nous parlons, quand Mandâ vit Bouka rentrer de l'école plein de terre et de poussière ainsi qu'à son habitude, elle entra dans une grande colère :
— Bouka, mon fils, j'en ai assez. Je suis lasse de devoir chaque jour laver tes vêtements que tu sembles salir à plaisir. Et je crois que tu es désormais suffisamment grand pour assumer ton entretien : enlève ce boubou et va le laver au marigot.
— Mais Maman, rétorqua Bouka dont le visage exprimait toute l'incrédulité du monde, laver les boubous est le travail des filles ou des femmes, pas celui des garçons !
Cette remarque ne fit qu'accroître la colère de Mandâ. |