Le livre ouvert : Remembrances ACCUEIL


Christian Talbot Publications
Tu te rends compte que j'y ai travaillé à sa maison ! Dans le grenier, c'est moi qui ai posé le plancher. Mais je ne savais pas que c'était la maison de mon père. Finalement, il a fait comme moi, il a fait construire sa maison avant de prendre sa retraite et, du coup, il ne l'a pas vue se construire. Moi, j'étais parti à Vierzon, à ce moment-là. Et Aline était revenue avec Émile, travailler chez René. C'était son métier, à Émile, chauffeur. Il nous restait à nous, les Tailles où il y avait quelques pommiers, un châtaigner ou deux, un quetscher ; à Grandsagne, mes parents ont dû vivre dans la maison des grands-parents. Il y avait la grande pièce et puis une chambre. Et ça a duré pas loin de vingt ans, puisque ma sœur aînée est de 1898 ! Félix avait une très bonne situation ; j'ai cru voir quelques écrits selon lesquels il aurait versé une pension, pour moi ; mais pas longtemps. Juste pour me finir d'élever (4). Pour moi, à une époque, ma mère, puisque les autres étaient casés, sa sœur ayant épousé un entrepreneur en maçonnerie, Lucien, qui était maçon lui aussi d'ailleurs, mais sa femme, Marguerite, ayant trouvé une place, ils faisaient … Tu sais, dans le temps, on montait à Paris pour faire le temps des "campagnes", durant les mauvais jours, et on ne redescendait qu'au printemps pour travailler la terre. Comme mon grand-père Autissier qui a aussi bien pu faire les boulevards d'Haussmann que creuser le métro. Un beau jour, elle a trouvé une place de "bignole"(5) dans un immeuble qu'ils avaient construit, sans doute, et ils sont restés à Paris pendant quelques temps. Puis après, il a construit sa propre petite maison, là, à côté de l'étang, et ils y sont venus en retraite. Enfin, donc, ils étaient tous casés, il n'y avait que ma mère qui posait problème.
Jamais personne, ni les gens du village ni mes frères et sœurs ne m'ont parlé de mon père. Jamais. Et comme moi j'en avais rien à "foutre", ça m'a pas … c'était pas un problème. Quand les copains me racontaient les volées qu'ils recevaient du leur, j'étais plutôt content de ne pas en avoir.»

Transcription brute d'un monologue enregistré au cours d’un déjeuner en tête à tête - mars 2006.

(4) On devait être "fini" d'élever dès que se terminait le "bas âge".
(5) “Concierge” en argot.
 
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